Hate (2019) Compte renduA l'origine du jeu, il a eu un livre. Hate Les Chroniques de la Haine est un roman graphique paru chez Glénat issu de l'imaginaire de Adrian Smith. Dans un univers tout en noir et blanc, l'auteur nous plonge dans de la Dark Fantasy pure et dure. Avec très peu de dialogue, nous suivons les mésaventures de Ver, un personnage sans vraiment de charisme ni d'envergure qui par le biais d'un choix hasardeux va devenir le champion de Mère la Terre. Celui-ci va donc tout faire pour la libérer. Tout en l'accompagnant, nous allons découvrir un monde glauque où l'Homme ne vit plus que pour la guerre et la violence. Dans ce côté primitif, la femme n'est plus qu'un vulgaire objet, presque invisible. Malgré un scénario un peu (trop?) classique, Adrian Smith nous dépeint un monde sombre (certains diraient trop à cause de la forte présence de la couleur noire), un monde violent et sans pitié. L'absence de dialogue nous « force » presque à bien étudier chaque case de ce roman graphique pour bien comprendre l'histoire. Guerre, violence, sorcellerie, personnages charismatiques, monstres en tout genre sont au programme et le tout agrémenté d'illustrations magnifiques. Cet ouvrage est un livre culte pour tout amateur de Dark Fantasy. Même s'il ne réinvente pas le genre, il offre une aventure en noir et blanc fortement savoureuse, ainsi que des personnages haut en couleur. Adrian Smith fut célèbre grâce à ses participations dans l'univers Warhammer 40000, notamment en illustrant les ouvrages de Dan Abnett et les jeux de rôle. Depuis quelques années, il est en étroite collaboration avec l'éditeur de jeux CoolMiniOrNot (depuis 2017 il en est d'ailleurs l'artiste principal). On retrouve d'ailleurs son talent dans des jeux comme Blood Rage, Conan, Rising Sun, The Others. Il est donc fortement logique de retrouver Adrian Smith derrière les illustrations du jeu Hate. Il est d'ailleurs secondé par Edgar Skomorowski (Solomon Kane, Rising Sun). Hate est donc issu d'un Kickstarter. Il est même unique à Kickstarter. En effet, jugeant ce projet trop mature, CMON a décidé d'en faire une exclusivité de cette plateforme. Pour adapter l'univers du livre en jeu de plateau, CMON a fait appel à plusieurs auteurs. Raphaël Guiton (Zombicide), Jean-Baptiste Lullien (AT-43), Alexandru Olteanu ( The World of SMOG: Rise of Moloch), Nicolas Raoult (Massive Darkness) ont donc la lourde tâche de réaliser un jeu à l'image du livre. Ce n'est pas la première fois qu'ils travaillent ensembles surtout en ce qui concerne les trois auteurs français (avec notamment l'ancienne excellent éditeur Rackham). Hate est un jeu d'escarmouche qui oppose traditionnellement deux joueurs entre deux. Mais pas seulement... Non, vous pouvez jouer jusque six joueurs comme la boîte le suggère. Mais comment cela est il possible ? Hate propose une campagne qui vous permet d'enchaîner des clash suivant le nombre de joueurs. Chaque clash est composé de deux batailles. Chaque bataille correspond à un scénario choisit par le joueur attaquant. Chaque clash oppose deux joueurs, donc deux tribus car chaque joueur incarne une tribu. Lors de la première bataille, un joueur devient l'attaquant et l'autre le défenseur. A la deuxième bataille, on inverse. Chaque scénario dispose de ses propres objectifs, de son propre champ de bataille et d'éventuellement ses propres règles. A noter aussi qu'il existe des scénarios qui vous proposent des 2 contre 1, des 2 contre 2, chacun pour soit ... Revenons donc à la campagne. La campagne vous offre donc un suivi de vos réussites ou échecs. La tribu qui disposera du plus de points de victoire à la fin du nombre de clash requis (par exemple à deux joueurs, la campagne se fait en cinq clash) l'emportera. On retrouve ce suivi à l'aide d'une feuille représentant une carte de l'ensemble des territoires disponibles. Au début de chaque combat, le joueur attaquant indique de quel territoire il souhaite s'emparer. Il faut que celui-ci soit connecté à une région qu'il possède déjà. Si le territoire est vierge de toutes tribus, il choisit son défenseur. S'il y a déjà une tribu installée dessus, c'est celle-ci qui devient défenseur. Le gagnant de ce premier combat s'empare donc du territoire. Il indique son nom (ou celui de sa tribu) sur la carte. Puis, lors du deuxième combat, c'est au défenseur de devenir attaquant et donc de choisir sa destination. La carte est composé de plusieurs zones : le cercle extérieur, le cercle intérieur et la capitale. Chaque zone offre des bonus différents mais surtout les scénarios disponibles ne sont pas tous les mêmes. Le choix est donc important en fonction de ces deux données. Les bonus d'un territoire servent généralement au début d'un clash ou du premier combat. Chaque territoire possédé offre un nombre de point de victoire de plus en plus importants à la fin de partie, suivant si on se rapproche de la capitale ou si on s'en éloigne. Mais pour ça, il faut encore les avoir. Participer à une campagne permet de vivre une expérience très intéressante. Outre la carte qui va changer en fonction de nos victoires ou de nos défaites, il va y avoir une évolution constante pour nos tribus. Chaque joueur dispose d'une feuille associée à sa tribu. Cette feuille représente votre village. On y retrouve des édifices comme la chambre de torture ou la forge qui vous serviront au cours de vos parties. Il est possible d'améliorer les bâtiments existants et d'en débloquer de nouveaux en récupérant des ressources ou en accomplissant des missions (suivant les récompenses). Les villages vont évoluer en fonction de vos réussites et de vos actions au cours d'une partie. Il sont surtout utilisés lors d'une campagne. Plus votre village va grandir et se développer, plus il va vous aider dans vos combats. Le jeu se propose de nous mettre à la tête d'une des tribus disponibles. Il y en a 11, toutes différentes. Chaque tribu est composé d'un prince (le chef), d'un champion, d'un shaman, de six guerriers (dont 2 de chaque ont des postures différentes) et de deux jeunes sangs (les novices qui sont identiques). Chaque figurine dispose d'un socle de couleur afin de mieux la repérer en fonction de sa carte. Le Prince, le shaman et le champion sont des figurines uniques. Chaque tribu dispose de son propre charact-design. Aucune tribu ne ressemble à une autre. Chaque figurine est associée à une carte qui représente ses capacités : nombre de dés d'attaque, de défenses, valeur de déplacement, ses pouvoirs (innés ou gagnés). En plus de cela, chaque tribu possède ses propres cartes d'améliorations (8 au total). A noter enfin que certaines tribus disposent d'une capacité de clans. Pour varier les plaisirs, vous retrouvez aussi la présence de mercenaires. Ces figurines, toutes uniques, sont vraiment fortes. Il est possible de recruter des mercenaires au cours de missions spécifiques. Mais la tâche n'est pas facile. Une fois un mercenaire acquis à votre cause, il rejoint votre armée et peut être engagé au cours d'une bataille. Il remplace alors un guerrier ou un jeune sang de votre tribu (celui-ci n'est pas mort mais restera au village). Mais pour cela, il va vous falloir débloquer votre Salle des Héros, présent dans votre village. Vous ne disposerez que de deux mercenaires au maximum (si vous avez la place pour). Une fois qu'un de ces guerriers meurt, il quitte votre tribu. Quand on meurt, on meurt. A la fin de chaque bataille, a lieu ce qu'on appelle un « entracte ». Les prisonniers peuvent donc être à ce moment mangés ou torturés. Ces actes ne sont pas anodins puisqu'ils vous apportent des ressources ou de la Haine en plus. Les ressources (que l'on peut aussi récupérer dans les arbres durant les scénarios) permettent à votre village de s'améliorer. La Haine permet de débloquer de nouvelles améliorations, que ce soit des générales ou des spécifiques à votre tribu. C'est aussi à ce moment qu'on fait la mise à jour de la campagne mais aussi et surtout l'attribution des cicatrices de guerre. Chaque personnage mit KO durant un scénario et non capturé (ou relâché par manque de place) doit faire un jet de trois dés. En fonction du résultat, il va recevoir ou non des cicatrices (perte d'un œil, main coupée...). Ce passage, et surtout la façon dont ces blessures sont décrites, est très second degrés et plutôt bien amené. Une cicatrice ça va, une deuxième et c'est la mort. A la fin de l'entracte, on enchaîne avec la seconde bataille ou on refait un nouveau clash. Attention, un captif, torturé ou mangé, meurt. Un mort dans une première bataille ne peut pas participer à la deuxième (si c'est un nouveau clash pas de problème). Un personnage mort est remis à zéro. Autrement dit on lui retire toutes ses cicatrices mais aussi ses améliorations. Parfois ça peut faire mal. Surtout qu'au final on finit par s'attacher à nos guerriers. Cela peut être frustrant de voir son préféré, survivant de toutes les batailles, mourir et redevenir un simple novice. Les améliorations comme les cicatrices sont représentées par des cartes. Chaque personnage est censé disposer d'un protège carte (dommage qu'à une dizaine près, il n'y en ait pas assez pour tous). Les changements sont donc glissés dans ces protèges cartes. Votre personnage dispose donc des infos mis à jour en temps réel. Et d'une partie sur l'autre rien de plus facile pour voir l'évolution dans la campagne et surtout pour la garder à jour. Il est dommage que ces cartes soient un peu fragiles et qu'en les mélangeant certaines puissent s'abîmer (c'est ce qui m'est arrivé). Les combats proposent des résolutions très simples. Chaque personnage dispose d'une valeur d'attaque et de défense. Cette valeur représente le nombre de dés à lancer. On y ajoute les éventuels bonus disponible (par la forge, par le soutien d'autres unités, par des cartes). Le nombre de succès correspond au nombre de blessures. Le défenseur fait de même et on compare. Si l'attaquant touche au moins une fois, le défenseur est KO. Si le défenseur égalise ou dépasse, il ne se passe rien. Une figurine KO n'est pas encore morte et reste sur le plateau. Parmi les actions disponibles, un guerrier proche d'une figurine KO (amie ou ennemie) peut la capturer. On la pose alors sur sa fiche personnage. Elle y reste jusqu'à la fin de la bataille ou jusqu'à ce que le guerrier en question se soit fait mettre KO à son tour. Lors d'un entracte, ce sont ces figurines capturées qu'on peut manger ou torturer. Faîtes donc attention, il n'y a pas de quartier dans ce monde sauvage. Un jeune sang peut tout aussi bien tuer un Prince aguerrie si la chance est de son côté. Sur les dés, on retrouve donc les traditionnels face « touché », « défense » mais aussi une face joker. Il existe aussi une autre, le crâne. Celui-ci correspond à la sauvagerie. En temps normal, sauf le cas pour certaines tribus, on reçoit cinq pions sauvagerie par tour. Ce sont ces pions qui nous permettent d'activer nos figurines. Sauf pour les Princes et les mercenaires qui en demandent deux, un pion sauvagerie permet d'activer une figurine. Les dés avec des faces sauvagerie vous ajoutent donc de nouveaux pions dans votre réserve. Chaque figurine ne peut être activée qu'une fois (sauf pouvoir de la forge ou cartes). On laisse les pions à côté pour montrer qu'elles ont déjà jouées. Un personnage activé peut faire un mouvement puis une action (et non pas l'inverse). Parmi les actions disponibles, il est possible de : récupérer des ressources (si on termine son déplacement dans un arbre), tenter de piller une hutte (il faut terminer son déplacement dans une hutte), ne rien faire, combattre ou ramasser un corps. Piller une hutte peut être rentable mais dangereux. Certaines disposent de guerriers prêts à se défendre face à l'envahisseur. D'autres par contre n'offre aucune résistance. Lorsqu'une figurine est mise KO, l'attaquant gagne une haine. Les haines sont une des deux ressources du jeu. Elles permettent notamment, comme on l'a déjà vu, de bénéficier d'améliorations. Au bout du nombre de clash requis suivant le nombre de joueurs qui y participe, on passe au décompte des points. Au cours de la campagne vous avez évolué sur deux pistes. La première est la ressource, la seconde la haine. Pour savoir votre nombre de points, vous prenez celle où vous en avez le moins. Vous avez votre base de point. On ajoute les victoires dans les batailles, on retire les morts dont votre tribu a souffert. Et voilà. Celui qui en a le plus l'emporte. Il va donc falloir faire attention non seulement à essayer de garder vos guerriers en vie le plus longtemps possible, mais aussi à trouver un équilibre entre les ressources et la haine. Cette condition de gains de points (que l'on retrouve dans pas mal d'autres jeux) est très maline. Elle empêche de se concentrer uniquement sur l'aspect meurtrier ou uniquement sur la cueillette de ressources. Avec Hate, niveau qualité de matériel, CMON met la barre très haute. Les figurines sont sublimes. On est sur une base de 32mm. Elles sont sans imperfections (même si certains joueurs ont eu de la casse suite au transport). Elles fourmillent de détails. C'est vraiment les plus belles qu'il m'ait été donné de voir dans le monde du jeu de plateau et elles égalisent largement certaines qu'on peut trouver dans le monde de la figurine. L'échelle choisi rend la chose encore plus plaisante. Sur le plateau, l'ensemble rend vraiment bien. La boîte déborde de matériel et pourtant tout est simple et rapide à installer. Les huttes, les plateaux et les arbres en 3D, disponibles uniquement durant la campagne (et que j'ai pas pris sniff), permettent de mettre du relief dans un paysage désertique. Les illustrations sont magnifiques. Petit plus avec les figurines qui ressemblent aux illustrations. L'univers graphiques est respecté (ce qui semble logique). Rien n'est édulcoré. L'ambiance sombre, glauque et tordue est bien là. De par son thème, nous sommes dans un jeu d'adulte. Dans un soucis du détail et surtout de la perfection, quelques points noirs pourraient survenir au niveau du matériel. Pour les daltoniens, le manque possible de facilité de visibilité (les socles de couleurs ne peuvent pas forcément être adaptés). Le plateau de prime est trop sobre, mais ce côté est au final en adéquation avec la mécanique d'installation des scénarios. Vu que le contenu du paysage peut changer à chaque bataille (et non pas le paysage en lui même), ce manque de personnalisation d'origine fonctionne parfaitement. La différence des zones de hauteurs peut être un peu difficile à repérer. Mais on finit par s'y habituer. Toujours dans les détails, le jeton Feast fait un peu peine à voir par rapport au reste des composants en plastique. Enfin, les inserts pour les améliorations peuvent être fragiles (j'en ai quelques uns d'abîmés) et il est dommage que CMON n'est pas mis assez de protège cartes pour protéger toutes les cartes personnages (il en manque une dizaine). Pour ce qui est des mécanismes, on est dans du simple. Il y a de bonnes idées, voire de très bonnes idées, et tout ça au service de la simplicité. Les parties sont fluides. Les actions possibles sont logiques. Zombicide avait réussi à simplifier le jeu de plateau pour joueur, Hate arrive à simplifier le jeu d'escarmouche. Pas d'actions complexes, pas de mouvements pour se mettre à couvert, pas de mesure de distance... On est dans du très simple. Mais pas du simpliste. La réflexion est bien présente. Les choix sont parfois cornéliens. Par contre, ceux allergiques au hasard je ne peux que vous dire : FUYEZ PAUVRES FOUS ! La chance est omniprésente. D'un coup de dés tout peut basculer. J'aime beaucoup la possibilité pour un personnage faible de tuer un personnage fort sur une simple touche. Ca rappelle le côté cruel de cet univers et le fait que personne n'est à l'abri. Mais ça ne va clairement pas plaire à tout le monde. Les actions héroïques sont bien présentes. Les retournements de situation aussi que ce soit lors d'une bataille mais encore plus lors d'une campagne. La diversité dans les scénarios (même s'ils sont peu nombreux) offre une variété de situations assez plaisante. Même s'il y en a peu, leur choix va dépendre des zones à attaquer, du coup on peut facilement éviter le fait de rejouer sans cesse le même. Sans compter aussi qu'il est possible pour les joueurs de créer leur propre scénario (on commence à en voir apparaître). La durée d'une partie est assez étonnante. Parfois cela peut aller très vite. En moyenne, les batailles peuvent aller jusque une heure mais guerre plus. Le système de sauvagerie pour activer nos figurines nous force à faire des choix, et en regagner permet de surprendre l'autre. Le mode campagne est très plaisant à jouer. L'évolution de nos personnages est simple à effectuer. Mais même là, le choix est important. Les entractes sont plaisants à réaliser et le système de cicatrices est bien fun. Le suivi sur la carte est un petit plus non négligeable. On se retrouve à se raconter notre petite histoire, à suivre nos personnages et à s'y attacher. Hate est plus qu'une très bonne surprise. C'est un jeu aux règles simples, extrêmement fun. C'est aussi un jeu vraiment magnifique. Rien que l'illustration de la boîte est incroyable ! J'aime beaucoup ce que fait Adrian Smith, alors quand c'est conjugué à des figurines incroyables. Whaou ! C'est un réel plaisir que de plonger encore et encore dans cet univers glauque, violent et addictif. Je ne m'y attendais pas vraiment. Et pourtant, je le trouve vraiment génial. Pas dans la complexité ou dans la réflexion qu'il pourrait engendrer, pas non plus dans un potentiel casse-tête à résoudre. Non, Hate c'est du fun à l'état pur. Simple, brutal, violent comme l'univers qu'il raconte. Si vous aimez un tant soit peu l'escarmouche, je ne peux que vous le conseiller. Pour moi, il est fait clairement parti de ces jeux indispensables pour ceux qui aiment l'ameritrash. Score Technique 9,95/10 Les figurines sont incroyables. Le matériel est en carton de bonnes qualités, les cartes sont agréables. On est proche du sans faute et quelques défauts mineurs viennent cependant l'empêcher. Mon Score BGG 10/10 (Exceptionnel, veut toujours y jouer) Pas le jeu qui vous demandera ni le plus de réflexion, ni le plus de stratégie mais c'est clairement du fun à l'état pur. Simple, facile à installer, un système de campagne bien fait. Une réussite. Score Combiné 9,975/10 Et maintenant à vous de jouer...
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