Underwater Cities (2018) Compte Rendu Underwater Cities est le nouveau né d'un auteur qui a su, au cours des dernières années, s'imposer comme un incontournable ou en tout cas un auteur à surveiller : Vladimír Suchý. Pour ceux et celles qui ne le connaîtraient pas encore, on lui doit notamment le très bon Pulsar 2849 ou le méconnu mais tout aussi intéressant Shipyard, tout en passant par l'écolo 20th Century et le politiquement incorrect Last Will. Valdimir Suchý a su donc imposer son style au travers de jeux disposant de thème, voire de mécanismes, totalement différents. Pour Essen 2018, il a choisi de faire le pari de lancer sa propre maison d'édition, Delicious Games, et pour l'occasion d'y faire publier son nouveau jeu : Underwater Cities. L'attente et la curiosité quand à ce titre sont assez importantes. Le jeu fait d'ailleurs rapidement le buzz sur le salon, surtout que le stand est petit et le nombre de places limité. Très longtemps uniquement disponible en anglais, le jeu arrive enfin en français grâce à Atalia qui assure sa distribution. Très vite, les joueurs font le rapprochement avec celui qui est devenu un mastodonte du jeu de plateau : Terraforming Mars. En effet, la mécanique principale est la gestion de cartes et thématiquement on doit coloniser quelque chose (non pas Mars mais les fonds Marins). Il n'en faut pas plus pour que tout de suite les passions s'enflamment. On pourrait même rapprocher les deux jeux au niveau de la qualité du matériel. Nous y reviendrons. Oui, il est possible que le plus jeune ait pris quelques idées l'aîné. C'est possible. Mais pourtant on est face à deux jeux très différents dans la manière d'appréhender les possibilités, et surtout dans le ressenti ludique. Underwater Cities vous plonge donc tout droit dans les fonds marins. Vous êtes à la tête d'une corporation (décidément) et votre mission va être de bâtir le meilleur complexe sous-marin. Ici, pas de coopération, on est là pour s'imposer face aux autres. Chaque joueur va bénéficier d'un plateau individuel représentant sa zone de construction. Il n'y a pas de plateau collectif pour se développer. Chaque plateau individuel est recto-verso. Sur une face, on va retrouver la zone « débutant ». Sur l'autre, le challenge sera un peu plus difficile. Chaque plateau individuel est différent dans ses bonus, mais aussi ses difficultés de construction. Votre zone maritime allouée est composée de votre dôme de départ qui représente votre première ville sous-marine ainsi que des plans pour étendre le complexe. Selon les plans, vous pouvez aussi rejoindre trois cités terrestres qui vous apporteront des bonus immédiats et des points de victoire à la fin de la partie, une fois reliées au réseau. Alors que toutes vos constructions seront suivies sur votre plateau individuel, il en existe un principal. Celui-ci est là pour vous indiquer les actions principales disponibles, ainsi que toutes les informations importantes : points de victoires en cours, avancement dans le tour, cartes spéciales disponibles, ordre du tour prochain, … Le plateau central va jouer un rôle important au cours de la partie. Chaque joueur dispose de trois marqueurs d'action. A tour de rôle, les joueurs vont choisir un des emplacements d'action disponible et y mettre son marqueur (un seul joueur par emplacement). Il réalise alors l'action indiqué directement. Mais ce n'est pas tout, ce serait trop simple sinon. Cet aspect vous fait penser à un simple jeu de placement d'ouvriers. Oui... mais non. L'auteur a complexifié la chose sans pour autant la rendre plus difficile à comprendre. A chaque fois que vous allez choisir une des actions du plateau, vous allez devoir associer cette action à une des cartes que vous disposez en main. Les actions sont réparties en trois types de couleur : jaune, rouge, bleue. On retrouve ces couleurs sur les cartes disponibles. Je peux même vous dire que ce n'est pas pour rien. En effet, lorsque vous jouez une carte qui se trouve être de la même couleur que l'action choisie, Bingo ! Vous allez pouvoir bénéficier de l'action du plateau ET de la carte jouée. Malin non ? Dans le cas contraire, la carte est simplement défaussée et vous en jouez que l'action du plateau. Autant vous le dire tout de suite, les choix vont être cruciaux. Les couleurs ont leurs importances : les cartes vertes sont très puissantes mais les actions correspondantes sur le plateau beaucoup moins, les jaunes sont moins puissantes mais leurs actions sont vites indispensables, les rouges offrent un choix plus équilibrés. Choisir une action juste pour l'action, pour la carte ou pour les deux ne va pas être si évident. Il n'est pas rare qu'à ce titre, les joueurs les plus calculateurs mettent un peu de temps pour se décider. Tout semble important et, même si on assiste à un démarrage parfois lent, la montée en puissance se fait sentir. C'est d'ailleurs tout l'intérêt du jeu. Trouver les bonnes combinaisons de cartes afin de se créer un moteur non pas seulement de points de victoires mais aussi de gains de ressources et affiliées. Car tout coûte cher, et votre corporation n'est finalement pas si riche que ça. Il va falloir trouver le moyen de se développer rapidement et efficacement, sans pour autant trop partir dans tous les sens, au risque que les autres vous dépassent facilement. Mais attention à la mono-production intensive qui, même si elle peut paraître une bonne idée, peut aussi vous ralentir à sa façon. Il va falloir jongler et s'adapter selon les besoins et surtout selon les cartes disponibles. Jeu de cartes oblige, la chance joue un grand rôle dans le jeu. Vos choix vont beaucoup dépendre de ce que vous aurez en main à l'instant T. Mais cette présence importante du hasard n'est finalement, comme tout bon jeu, pas si handicapante. Elle vous force à aller contre lui, à s'adapter sur le long terme, à vous créer un moteur plus rapidement que dans d'autres jeux. L'avantage c'est que quoiqu'il arrive, il y a toujours possibilité de faire quelque chose. Et je ne parles pas de vendre des pâtés-croutes à faible prix. Par contre, chaque action est importante. Face à un joueur expérimenté, cumuler des erreurs peut vite être fatale. Le nombre de cartes disponibles en main en même temps est assez limité. Cependant, le mélange entre placement d'ouvrier et gestion de main offre un nombre de possibilité énorme. A tout instant, vous allez devoir optimiser pour réaliser le meilleur coup possible. Ou plutôt le sacrifice à réaliser le moins pire et le plus rentable pour vous. Car oui, parfois les choix seront cornéliens. La frustration est omniprésente. Les joueurs ne peuvent pas tout faire. Le système de jeu paraît simple au premier abord mais pourtant fonctionne parfaitement et du choix né la complexité. Trouver la bonne solution peut, pour certains, mettre du temps. Ce temps est réparti sur l'ensemble de la partie, du coup, certaines parties peuvent vraiment durer. Autant à deux il tourne bien et plutôt rapidement, autant à trois mais surtout à quatre, le jeu peut durer... durer... Il vaut mieux que vous y soyez préparé. A quatre, il faut facilement compter trois, quatre heures pour une partie. Cependant, on ne voit pas du tout le temps passer, pour peu qu'on aime ce style de jeu. L'interaction est assez particulière. Elle est à la fois omniprésente mais en même temps presque nulle. Totalement indirecte, l’interaction se joue principalement sur le plateau central. A savoir où va se placer l'adversaire pour réaliser son action. C'est là que va se situer la tension principale du jeu et le fait que chacun va devoir surveiller ce que fait l'autre. Mais pourtant, malgré cette omniprésence, l'interaction est aussi très limitée. Vous n'allez en effet pas pouvoir agir sur le jeu de l'autre directement. Vous n'allez pas non plus vraiment pouvoir le coincer ou influer sur ses choix de forte manière. Le fait que chaque joueur dispose de son propre plateau, fait perdre cette impression d'interaction directe comme dans Terraforming Mars par exemple. On va souvent être plus concentré sur sa propre évolution et ses propres constructions plutôt que par celles des autres joueurs. Cette notion fait aussi échos à la durée de partie qui va inconsciemment vous pousser à vous concentrer plus sur votre jeu au risque de faire éterniser les tours. Selon les joueurs, l'attente entre deux tours peut parfois être long. Une fois que tous les joueurs ont joué leurs trois actions, la manche se termine. On réinitialise le plateau et on enchaîne avec un nouveau tour selon le nouvel ordre. Les joueurs disposent, à chaque action, d'au moins trois cartes dans leur main. Le jeu est constitué de trois ères. A chaque fin d'ère, on assiste à une phase de production. Les constructions, les cités sous-marines et les villes terrestres fournissent des ressources ou des points de victoires tout comme certaines cartes. Ensuite, chaque jouer doit nourrir sa colonie. Chaque dôme non auto-suffisant nécessite de la nourriture, ou assimilée, au risque de pénaliser le joueur déficient. Il va donc falloir faire attention au cours du jeu à ne pas trop dépenser et à garder les ressources nécessaires à la survie de la colonie sous peine d'être pénalisé. Cette pression constante, qu'il est possible de retrouver dans d'autres jeux, est un mécanisme intéressant et bien pensé. Il rajoute de la tension et une certaine prise de risque pour les joueurs les plus aventureux dans l'espoir que ça fonctionne. Le changement d'ère n'est pas anodin car plus on avance dans la partie, plus les cartes sont puissantes. Etant donné que tout l'intérêt du jeu réside justement dans ces cartes, leur renouvellement est le bienvenu. Grâce à cela, on sent une nette montée en puissance au cours de la partie, surtout lorsqu'on arrive à créer un moteur qui combotte avec les nouvelles cartes. Après le dixième tour de jeu, la fin arrive. Dernière phase de production et nourriture (ils mangent jusqu'au bout!) et on passe au décompte de points. Suivant ce que vous avez pu construire comme dôme, comme usine, comme tunnel, ainsi que les ressources produites, sans oublier vos connexions, vous disposerez de points différents et plus ou moins importants. Pareil pour la variété de vos constructions. Durant la partie, il peut être important de créer des sites spécialisés dans une ressource, mais à la fin la diversification peut rapporter. Encore et toujours du choix... La rejouabilité du jeu est plus qu'importante. Déjà suivant le nombre de joueur, les sensations ne vont pas forcément être pareil (si vous êtes à deux ou seul, le plateau à utiliser n'est pas le même). Ensuite, grâce à la multitude de cartes disponibles et au fait que toutes ne tomberont pas forcément et surtout pas dans le même ordre, aucune partie ne va se ressembler. Devant la multitude de choix disponibles à votre tour, il ne semble pas vraiment avoir une stratégie gagnante à tous les coups. Il semble d'ailleurs impossible de réaliser la même chose sur deux parties différentes. Il n'y a pas qu'une façon de jouer. Il m'est arrivé de voir des parties où chaque joueur réalisait sa propre stratégie et à la fin les scores étaient très serrés. Mais tout n'est pas parfait. Un des principaux reproches que l'on peut avoir au niveau de ce jeu est le matériel. Autant les cubes et les dômes sont bien sympa, autant le reste fait un peu cheap surtout les plateaux individuels qui ne sont que des feuilles fines. Les cartes sont elles aussi un peu fines. Quand on voit la qualité du jeu, c'est dommage de ne pas pouvoir profiter d'un matériel meilleur. Il semblerait que la nouvelle édition a revu son matériel à la hausse, mais ne l'ayant pas eu en main difficile d'en juger. On peut aussi lui reprocher son interaction étrange et surtout son thème. Ou plutôt son absence d'immersion. Le thème peut être super intéressant, en tout cas moi ça me tentait bien. Malheureusement, au cours de la partie on se rend vite compte que... eh bien qu'en fait on ne cherche plus qu'à jouer la bonne carte pour comboter au mieux. On oublie donc rapidement de quoi il était question et finalement on s'en moque. L'immersion thématique fait place à l'immersion mécanique. Cela ne dérangera pas forcément beaucoup de monde, mais j'avoue qu'à ce niveau j'en attendais plus. Attention il s'agit d'un jeu pour joueur. De par sa durée, son thème, son interaction étrange, son mécanisme principal, le jeu peut surprendre. Mais nous sommes bien devant un jeu expert qui mérite amplement la récompense du Diamant d'or 2018 (prix récompensant les meilleurs jeux de style eurogame, le deuxième cette année là était Newton). Underwater Cities est un jeu qui fait clairement mouche et ne laissera personne indifférent. Comme beaucoup de jeux de cet auteur, il ne révolutionne pas le genre. Mais il arrive à mélanger des mécanismes connus et relativement courants pour en faire quelque chose d'unique qui fonctionne à merveille. Il a réussi à créer un jeu aux règles très simples mais disposant d'une profondeur importante. On peut clairement saluer la performance de l'auteur mais un peu moins celle de l'éditeur. Même si c'est un premier jeu, on aurait souhaité un matériel de qualité supérieur. Cependant, si vous aimez vous triturer le cerveau et si vous aimez chercher à trouver les bonnes combinaisons de cartes au bon moment, il serait dommage de vous arrêter là dessus. Le jeu mérite amplement sa renommée et son succès. Et finalement pour ceux qui se demandent encore, Terraforming Mars et Underwater Cities ont finalement peu de choses en commun. Ce sont vraiment deux jeux différents, aux sensations différentes et à la finalité différentes. Ils peuvent à ce titre facilement se côtoyer dans une ludothèque sans pour autant faire doublon. Score Technique 6,5/10 Le matériel est clairement en dessous des standards actuels pour la grande partie du matériel même si certaines choses attirent l'oeil comme les dômes ou les petits cubes de couleurs. A voir avec la nouvelle édition si la note peut évoluer. Les règles sont courtes et facile à retenir. Les icônes demandent une partie pour bien être assimilées mais après plus de problèmes ou de retour dans les règles. Mon Score BGG 8,5/10 Un jeu très intéressant alliant le placement d'ouvrier et la gestion de cartes. Simple à jouer, difficile à appréhender. Le jeu offre un bon challenge et les fans de combo seront aux anges. Dommage que le thème passe un peu à la trappe et que parfois l'impression de jouer dans son coin se fait sentir. Certainement le meilleur jeu de cet auteur. Score Combiné 7,5/10 Maintenant à vous de jouer... Merci à Atalia de m'avoir fait découvrir ce jeu.
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